Made in France : cri du coq ou chant du cygne ?

Tuesday, 03 September 2013 15:45
Made in France : cri du coq ou chant du cygne ?
Au moment de créer notre marque de carnets de notes, produits manufacturés s'il en est, une question s'est immédiatement posée : oukonléfé ? En pleine vague de renouveau du « made in France », poussés par le souffle patriotique et légitimement fiers de la signature « haut de gamme » des marques de luxe françaises, nous avons, la main sur le cœur et d'une seule voix poussé le chant du coq : « made in France, Môssieur, Cocorico ! ».
 
Quoi de plus légitime que de souhaiter promouvoir le savoir-faire artisanal de nos compatriotes (si si, il en reste), que de souhaiter contribuer à la création ou au maintien de l'emploi local ? Dans une époque où une très grande partie des agendas, calepins, bloc-notes, cahiers et autres carnets de notes en papier sont « made in China », nous avons immédiatement souhaité revendiquer notre amour des produits manufacturés et notre engagement pour la qualité et avons tout naturellement inscrit sur la première page du business plan : « des Carnets haut de gamme made in France »...

Fiers comme Artaban, nous sommes sortis de notre « réunion stratégique » avec la conviction des citoyens-entrepreneurs qui vont sauver la France et avons regagné nos pénates avec le sentiment du devoir accompli. « Chérie, on va lancer une marque de Carnets de notes haut de gamme made in France ! ».
 
Tous les entrepreneurs ont connu cet instant fatidique où l'on expose à un proche l'idée naissante d'un projet de création d'entreprise. Soutien indispensable à toutes les projets qui se lancent et machine à tuer les idées les plus loufoques, le conjoint possède une arme magique, la machine à clôturer des heures de brainstorming et d'études de marché d'un « C'est quoi ton truc ? Ça ne marchera jamais ! » ou, au contraire à gonfler à bloc l'entrepreneur qui hésite à basculer dans le vide par la phrase magique « C'est génial, fonce ! ». Me voilà donc bien assis, attentif au verdict, et j'assène donc, avec conviction : « Chérie, on va lancer une marque de Carnets de notes haut de gamme made in France ! ».
 
Et là, surprise ! Un jugement déstabilisant, un conseil qui m'éclaire, une illustration de la fulgurance féminine : « Des carnets de note haut de gamme ? C'est génial ! Mais alors le Made in France... Je trouve ça stupide et ringard. » Wow ! Pourquoitudisça ? Je m'attendais à un chapitre politique, à une discussion sur le port de la marinière ministérielle, ou à un débat délocalisation vs relocalisation. Gonflé par le « c'est génial » mais touché par le premier uppercut en forme de « stupide et ringard » (Moi ? Stupide et ringard ? Je ne sais pas ce qui me vexe le plus !), j'ose tout de même la question du bout des lèvres : « et pourquoi tu trouves ça stupide et ringard, le made in France ? ».
 
Et la réponse est venue, simple, claire, précise : « Parce que le véritable enjeu, c'est l'Europe ! La solidarité économique est inscrite dans les gênes de la communauté européenne : c'est ensemble que tous les pays européens doivent réussir, leurs économies sont dépendantes. Le patriotisme économique, oui, bien sûr, mais le raisonner à la seule échelle de la France n'a plus de sens : c'est l'Europe qui fait sens aujourd'hui. Nos enfants sont des enfants de l'Europe. Leur avenir, c'est le made in Europe. Que tu aies des convictions écologiques et que tu ne souhaites pas faire parcourir 5.000 kms à tes produits, je comprends, mais made in Perpignan, Brest, Barcelone ou Milan, pour moi, c'est pareil !» Je suis resté sans réaction... #kesstuveudireàça ? #faitch...elleatoujoursraison
 
Le lendemain, nouvelle réunion, au QG de la Résistance, j'enfile mon costume de Columbo et assène : « Comme dirait ma femme, le made in France, c'est ringard, le vrai sujet, c'est le made in Europe ! » Débats, discussions, conviction : c'est sans a priori que nous allions chercher notre partenaire au plus près de notre cahier des charges. Créativité du design, précision de la conception, qualité de l'impression, savoir-faire du façonnage, implication dans le projet : nous allions constituer une équipe de rêve qui partage nos valeurs et croie à notre projet.
 
Ainsi fut fait. Après des échecs à Paris ou Grenoble, c'est à Lyon que nous avons trouvé notre équipe de design et à Barcelone que nous avons rencontré un entrepreneur des arts graphiques qui a cru à notre projet et répondait à nos critères de choix. Nos carnets seraient made in Europe !
 
Quelques semaines plus tard, c'est ma femme, encore elle, qui a eu la plus belle conclusion (décidément, ce fameux « comme dirait ma femme » à la Columbo... ) : « Vos carnets seront conçus à Paris, Rennes et Lyon, naîtront à Barcelone et vivront aux quatre coins de la France ou du monde... Comme nos enfants ! ». Je me suis senti tout d'un coup beaucoup moins stupide et ringard. Vive le made in Europe !
 
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